19/09/2025

Préserver l’intégrité des raisins : bien choisir son matériel de transport de vendange

Les enjeux du transport de vendange : comprendre les risques

Le transport des raisins, de la parcelle à la cuverie, reste une étape critique dans la chaîne de valeur de la filière viticole. Si les machines à vendanger et les outils de récolte progressent, la qualité de la vendange peut être compromise en seulement quelques minutes lors du transport. Écrasement, oxygénation prématurée, échauffement, contamination microbienne : à chaque étape, le matériel utilisé et sa mise en œuvre conditionnent la qualité finale du vin.

  • Écrasement mécanique : Plus de 60 % des dégâts sur baies sont recensés lors de la manutention et du transport (source : IFV, 2022).
  • Oxydation : Une mauvaise gestion de l’oxygène entraîne une perte d’arômes et des risques d’apparition de goûts indésirables.
  • Montée en température : L’échauffement lors du transport, même sur de courtes distances, multiplie le risque de fermentation précoce.

Identifier et choisir les contenants adaptés

Sur le terrain, deux grandes familles de transport se distinguent :

  • Les bennes à vendange, généralement remorquées derrière tracteur.
  • Les caisses et palox, utilisés davantage sur vignobles morcelés ou pour des raisins de grande valeur (champagnes, crus classés).

Bennes à vendange : matériaux, volumes et conceptions

La majorité des exploitations françaises utilisent des bennes conçues spécifiquement pour le transport de la vendange. Leur taille varie de 2 à plus de 10 tonnes de charge utile, selon la configuration des parcelles et l’organisation du chantier.

Matériau Avantages Inconvénients
Inox Hygiène ; absence d’interactions ; facilité de nettoyage Poids ; prix d’achat élevé
Aluminium Légèreté ; peu d’oxydation Entretien spécifique ; peut se bosseler
Polyester/Fibre de verre Rapport poids/prix ; souplesse Sensibilité aux rayures ; moins durable
  • Conception anti-écrasement : Les parois inclinées, fonds bombés et systèmes de « déversement doux » limitent la compaction des baies au cours du transport.
  • Thermorégulation : Certains modèles intègrent une double paroi isolante ou des dispositifs de brumisation pour limiter l’échauffement (cf. essais IFV Beaujolais, 2023).

Caisses, caissettes et palox : multiplication des points de contact

Sur certaines appellations exigeantes et en agriculture biologique, les caisses ajourées de 15 à 30 kg sont privilégiées. Ce choix limite le tassement des raisins grâce à des hauteurs réduites, optimise la ventilation et permet la cueillette sélective à la vigne — chaque caissette correspondant souvent à une microparcelle ou une qualité précise.

  • Facilite l’identification des lots et la traçabilité, y compris en macération carb. ou vendanges entières.
  • Permet un lavage et une désinfection plus efficaces que certains bacs collectifs.
  • En contrepartie, nécessite beaucoup de main-d'œuvre (4 à 8 personnes pour le chargement/déchargement sur 1 ha — Source : Institut Technique de la Vigne et du Vin).

La question du choix entre vendange entière, égrappée ou foulée

La nature du raisin transporté conditionne également le matériel à privilégier :

  1. Vendange entière : Exige de limiter au maximum toute manipulation, d’où l’intérêt des caissettes et des contenants individuels. L’objectif est la préservation de la pellicule de la baie, essentielle pour certains types de vinification (Bourgogne rouge, quelques Bordeaux).
  2. Vendange égrappée ou foulée : Admet une manutention plus « fluide », sous réserve de réduire au strict minimum les durées de transport et de surveiller les transferts de jus.

Température, oxygène et durée : les paramètres à surveiller en pratique

  • Il est établi qu’un raisin transporté au-dessus de 25°C présente une élévation de la concentration en composés phénoliques oxydés dans les jus dès 45 minutes après la récolte (Source : Revue des Œnologues, 2021).
  • Ajout de neige carbonique : Pour certains rouges haut de gamme, des producteurs ajoutent de la neige carbonique au fond des bennes ou caisses, pour baisser la température et inertiser l’atmosphère — abaissement de température de 8 à 12°C mesuré sur 500 kg en 25 minutes (Essais CIVC Champagne).
  • Protection contre l’oxygène : Certains domaines vont jusqu’à couvrir les charges à l’aide de bâches alimentaires ou de gaz neutres (azote) lors de conditions venteuses ou de transferts longs (>3km).

Dans tous les cas, la durée du transport doit être minimisée. À titre d’exemple, l’IFV préconise que les raisins doivent rejoindre la cuverie dans l’heure suivant la coupure, notamment pour les vinifications « nature » ou sans SO.

Hygiène et nettoyage : réduire la contamination microbienne

Tout matériel de transport ou de manutention représente un vecteur potentiel de contamination. Les essais menés par l’IFV Aquitaine (2020) sur la flore microbienne de surface montrent qu’un palox mal nettoyé peut multiplier par 8 la concentration en levures non-Saccharomyces.

  • Bennes à fond plat : À éviter, car elles retiennent des résidus de jus difficilement éliminables. Les modèles à vidange totale ou fonds inclinés facilitent l’écoulement.
  • Fuites : Lors du transport, la perte de jus favorise le développement de bactéries lactiques indésirables dans les véhicules.
  • Protocole de désinfection : Une désinfection à l’eau chaude (>60°C), suivie d’une pulvérisation de solution alcaline ou peroxyde, est recommandée. Les contenants doivent ensuite être séchés avant réutilisation.

Innovations récentes et perspectives

L’innovation dans le secteur ne concerne pas que la performance de la machine à vendanger : de nouveaux équipements visent à réduire la dégradation de la vendange lors du transport.

  • Caisses isothermes connectées : Déployées en Champagne depuis 2022, elles assurent le suivi précis de la température interne et permettent la géolocalisation des lots haut de gamme (Source : Viti, mai 2023).
  • Bennes à vidange douce motorisée : Présentées au Sitevi 2023, ces bennes offrent un déversement lent, réduisant la casse des baies de près de 50 % par rapport aux modèles classiques.
  • Transport par transfert pneumatique : Il s'agit là de prototypes testés sur quelques exploitations en Loire. Le raisin circule dans des tubes sous air pulsé, sans chute ni pression. Les premiers résultats montrent une réduction sensible de la fragmentation des pellicules.

L’impact humain et organisationnel

Le meilleur matériel ne remplace pas une bonne organisation. Affecter les bons opérateurs à la manutention, planifier les circuits entre vignes et chai, s’assurer du bon état des chemins et programmer la récolte par lots rapidement transformés est tout aussi déterminant.

  • Communication équipe chai / équipe vigne : Un bon flux d’information limite le temps de stationnement des raisins en attente.
  • Synchronisation des apports : Sur un chantier réunissant plusieurs bennes, le pilotage des rotations réduit les encombrements et le risque de mélange de lots.

Vers une optimisation du transport de la vendange

Préserver la qualité des raisins ne relève pas d’un unique choix matériel, mais bien d’une alchimie entre contenant adapté, rapidité, hygiène irréprochable et maîtrise environnementale (température, oxygène). Les données de terrain comme les retours d’expérience prouvent que chaque configuration d’exploitation a sa solution optimale. Le mouvement actuel va vers une sectorisation plus fine (segmenter les apports pour garantir la traçabilité), le recours à des contenants individualisés et des équipements capables d’intégrer des innovations liées à la gestion de la température et à la réduction des manipulations.

Le suivi technique et l’adaptation continue du matériel sont au cœur de la performance qualité d’un chai—l’expérience de ces dernières années incite à ne jamais sous-estimer le potentiel de dégradation au cours du transport. Pour aller plus loin, consulter les travaux de l’IFV (www.vignevin.com) et les publications de la Revue des Œnologues sur la maîtrise de l’oxydation à la réception de vendange.

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