18/09/2025

Achat ou location : quelle stratégie pour le matériel de transport en viticulture ?

Le matériel de transport spécifique, un enjeu opérationnel et financier

Entre la parcelle et le chai, le transport des raisins, des produits phytosanitaires, des palettes ou encore des déchets végétaux exige du matériel adapté : bennes viticoles, remorques basculantes, caissons, ou encore chariots électriques pour la logistique interne. Le choix entre achat ou location ne se limite plus à une question budgétaire : il engage la souplesse de l’exploitation, l’accès à la technicité la plus récente, l’optimisation fiscale et la gestion des pics d’activité. En 2022, selon le Syndicat Axema, plus de 68 % des exploitations viticoles françaises employaient au moins un matériel de transport motorisé conséquent, signe d’une mécanisation élevée et d’une dépendance forte à une logistique fiable.

Coût global : le prix de l’investissement contre la rentabilité sur la durée

1. Les coûts directs de l’achat

  • Investissement initial élevé : Le prix neuf d’une benne viticole polyvalente 4.5 t dépasse fréquemment 13 000 € HT (source : Simba, catalogue 2023).
  • Amortissement variable : En moyenne, les exploitations françaises amortissent leur remorque sur 10 à 15 ans. Une valeur de revente peut être prise en compte (40 à 55 % du neuf au bout de 5 ans, selon Terre-net).
  • Coût de l’entretien : La Fédération Nationale des Entrepreneurs des Territoires (FNEDT) estime de 3 à 6 €/h l’entretien courant sur du matériel de transport classique, sans compter les réparations lourdes imprévues.

2. Location : du paiement à l’usage au forfait de disponibilité

  • Coût immédiat : Une location courte durée (période vendange) atteint de 180 à 250 € HT/semaine pour une benne adaptée, selon NH-Rent, sans les frais de livraison.
  • Pas d’amortissement, mais une charge intégralement déductible fiscalement (voir ci-dessous).
  • Simplicité de gestion des imprévus, maintenance souvent incluse en LLD (location longue durée).

3. Calculer le coût de revient horaire Il ne s’agit pas seulement d’additionner les factures. Pour raisonner objectivement, il faut rapporter le coût global (achat, entretien, assurance, perte de valeur) au nombre d’heures annuelles réellement effectuées. Par exemple, sur une exploitation de 20 ha avec 120 h/an d’utilisation, un achat est généralement pertinent. En-dessous (moins de 50 heures/an), la location devient souvent plus rentable.

Souplesse et adaptabilité : répondre aux pics, aux aléas et à la diversité des tâches

1. Gestion des pics d’activité

  • Les vendanges : 80 à 90 % des exploitations viticoles mobilisent plus de 70 % de leur matériel de transport spécifique sur 6 à 8 semaines (source : IFV, vignevin.com). Acquérir du matériel pour seulement quelques semaines pleines est un surinvestissement fréquent.
  • Pic ponctuel ou récurrent ? Si la demande est concentrée, la location permet d’aligner le parc à la période et d’éviter des immobilisations longues.

2. Diversité des usages

  • Le matériel de transport n’est pas seulement réservé aux récoltes : apport d’engrais, collecte de bois de taille, approvisionnement en matériaux ou en eau, certains outils sont utilisés toute l’année.
  • La polyvalence d’une remorque à benne hydraulique (système multi-caisson) peut justifier un achat, alors qu’une benne à vendange inox, spécifique, n’est utile que 3 à 4 semaines par an.

3. Capacité à répondre aux imprévus Tempête, maladie, travaux d’urgence : la location est souvent une solution temporaire si une panne survient sur un matériel d’importance, mais ne permet pas de réagir à l’instant sans créneau disponible chez le loueur (délai qui peut atteindre 48 h en pleine période selon Viti-location, 2023). Avoir du matériel en propre est un gage d’autonomie mais nécessite un parc proportionné à ses besoins réels.

Accès à la technologie la plus récente et maîtrise de la maintenance

L’offre des constructeurs évolue : pesée intégrée, bâchage automatique, gestion du compactage, traçabilité… Un achat bloque généralement sur un modèle pour de longues années, alors qu’une rotation par la location ouvre la porte aux dernières innovations. La location longue durée (LLD) permet même parfois de bénéficier d’une mise à jour annuelle. Pour autant, un achat, bien entretenu, garde une valeur de revente correcte, surtout sur des segments réputés robustes.

Maintenance

  • Achat : responsabilité pleine de l’entretien, des contrôles réglementaires (freins, éclairage), du stockage hors saison.
  • Location : la maintenance est comprise dans le prix, un avantage certain pour des structures sans mécanicien interne.

Données fiscales et gestion de trésorerie : aspects souvent sous-estimés

La question fiscale, bien qu’en toile de fond, impacte directement la rentabilité du choix.

  • Achat : amortissement fiscal classique sur 5 à 15 ans (régime réel). Intéressant en cas de bonne rentabilité, mais lié à l’immobilisation de la trésorerie et à la gestion des taux d’intérêt, surtout dans le contexte actuel de remontée des taux d’emprunt (moyenne : 4,3 % en 2023 selon la Banque de France).
  • Location : charge d’exploitation à déduire annuellement dans sa totalité, ce qui facilite l’optimisation fiscale sur un résultat fluctuants, sans mobiliser le capital.

Ce point est d’autant plus structurant que la capacité d’autofinancement moyenne des exploitations viticoles a baissé de 12 % entre 2021 et 2022 (Agreste, 2023), réduisant la marge de manœuvre pour des investissements lourds.

Vieillissement, valeur résiduelle et revente : penser le cycle complet

L’usure du matériel de transport agricole est très dépendante de l’utilisation : les châssis subissent moins les heures que les éléments hydrauliques ou l’accastillage inox. Les chiffres de FranceAgriMer révèlent un marché d’occasion très actif, surtout pour les bennes de 10 à 20 ans, signes que l’achat reste un placement intéressant à condition de savoir revendre dans le bon créneau. A l’inverse, la location évacue la question de la décote ou de la gestion de la vente, ce qui peut libérer du temps et de l’énergie.

Etude de cas : de la petite exploitation familiale au domaine polyculturel

  • Exploitations familiales (< 15 ha) : Sur ces structures, des achats groupés entre voisins perdurent : une benne rotative partagée, amortie sur 15 ans, est économiquement souvent préférable, la location servant au renfort en cas de vendange tardive ou exceptionnelle.
  • Domaine > 40 ha : Le recours à la location longue durée monte en puissance : plus de 35 % des exploitations de cette taille externalisent tout ou partie du transport, privilégiant la souplesse et la fiabilité du parc de location, avec le remplacement automatique du matériel à chaque campagne (source : enquête IFV, 2022).
  • Approche mixte : De nombreux domaines choisissent d’acheter un socle polyvalent (benne à tout faire), en couplant des locations sur les outils hyper spécifiques (caisson vendange inox, remorque télescopique… selon la typologie des campagnes).

Synchronisation avec l’offre de service et les évolutions réglementaires

Certains territoires viticoles disposent d’entreprises de travaux agricoles (ETA) très bien équipées, ce qui rend l’achat personnel peu pertinent. De plus, la réglementation européenne pousse à l’évolution rapide de certaines normes (sécurité des arrimages, gestion des effluents de vendange, etc.) Un matériel acheté aujourd’hui peut se voir limité ou interdit dans 8 ans (voir les directives 2027 sur la gestion des effluents de pressurage), alors que la location permet de basculer vers du matériel conforme sans coût caché.

Choisir, c’est raisonner selon sa réalité terrain

Le choix entre achat ou location du matériel de transport viticole spécifique dépend d’un faisceau de paramètres : volume d’heures annuelles, capacité d’entretien, besoin de flexibilité, contexte réglementaire et situation financière. Il n’existe pas de règle universelle, mais un outil inadapté, sous-employé ou mal entretenu se paie toujours cher, que ce soit à l’achat ou en location. L’important reste d’analyser factuellement ses usages réels, de demander des offres précises incluant les frais cachés, et de rester attentif aux évolutions de l’offre et de la réglementation. Rien ne remplace une veille régulière et des échanges entre pairs : la mutualisation ou les coopératives de matériel représentent encore, pour beaucoup, une voie médiane pragmatique, surtout lorsque la trésorerie est contrainte et le besoin ponctuel.

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