Bennes viticoles : bien choisir selon votre mode de vendange

Les contraintes logistiques de la vendange : enjeux et impacts sur la benne

La benne est bien plus qu’un simple contenant : c’est un maillon stratégique, soumis à des contraintes complexes. En France, près de 800 000 hectares de vignes sont vendangés chaque année (Agreste), avec un recours croissant à la mécanisation (environ 70% des volumes récoltés). Mais la vendange manuelle reste incontournable dans de nombreuses AOC et sur les parcelles exigeantes.

• Détérioration des baies : La benne doit limiter l’écrasement du raisin qui peut entraîner une oxydation, un départ en fermentation précoce et des pertes aromatiques.
• Volume collecté : Les débits de la vendangeuse ou la cadence des porteurs impactent la capacité et la robustesse exigées.
• Accès et franchissements : Les chemins de vigne, parfois étroits et pentus, imposent un gabarit et un essieu adaptés.
• Hygiène : Les équipements doivent répondre à des standards de nettoyage et de matériaux compatibles avec le contact alimentaire.
• Gestion des jus : La maîtrise des jus libres ou foulés, plus abondants en vendange mécanique, impose des systèmes d’étanchéité et d’évacuation spécifiques.

Les spécificités des bennes dédiées à la vendange manuelle

La vendange manuelle privilégie l’intégrité du raisin : l’organisation logistique s’adapte à l’effort humain, aux porteurs et à la pluralité des contenants utilisés sur la parcelle.

Caractéristiques essentielles

• Capacité variable : La capacité s’échelonne fréquemment entre 2 et 12 m³. Les modèles 3 à 5 m³ restent les plus courants pour une logistique fluide sans surcharge sur tracteur (source : Loiseau, Matériel Viticole, 2018).
• Bennes ouvertes ou semi-couvertes : Elles facilitent le dépôt de la vendange par les porteurs (bottes, seaux ou petits caissons). Leur faible hauteur de chute préserve l’intégrité des grappes.
• Matériaux : L’acier inoxydable domine pour faciliter le lavage, limiter la corrosion due à l’acidité des jus, et garantir la conformité alimentaire. On trouve aussi des bennes en polyester ou en aluminium, plus rares, appréciées pour leur légèreté.
• Trappes et vannes d’écoulement : Essentielles pour évacuer les jus accumulés sans manipuler l’ensemble de la charge, éviter la macération et simplifier le nettoyage. La trappe peut être latérale ou inférieure selon la configuration.
• Châssis et essieux : Renforcés pour supporter les déplacements en terrain accidenté, parfois surélevés pour optimiser le déchargement en cuverie ou vers une fosse.

Points d’attention terrain

• Sécurité sur route : Les bennes de petit volume, souvent tractées par des vignerons directement, présentent moins de risques de basculement. Sur reliefs, le freinage et la stabilité sont à privilégier.
• Contact raisin/métal : Sur les bennes plus anciennes, la tôle peut rouiller ou présenter des aspérités, facteur de blessures pour les baies. L’état des parois est à inspecter avant chaque saison.
• Modularité : Certains modèles offrent des rallonges ou rehausses démontables pour adapter la hauteur aux contenants utilisés par les porteurs.

La vendange mécanique : exigences spécifiques pour la benne

Le recours croissant à la machine à vendanger implique un tout autre cahier des charges pour la benne. Ici, la vendange circule en flux plus soutenu, souvent sous forme de baies détachées, parfois mélangées à des débris végétaux et une proportion élevée de jus de pressurage par éclatement.

Adaptation au rythme de débit élevé

• Capacité importante : Les volumes collectés peuvent excéder 40 q/h/ha en pleine charge. Il n’est pas rare d’utiliser des bennes de 10 à 30 m³ sur les domaines mécanisés, notamment pour limiter les trajets (source : Viti, Dossier "Logistique de la vendange", 2021).
• Hauteur adaptée aux vidanges de vendangeuses : Les cuves de vendangeuses se vidangent à env. 2,20 – 2,90 m de haut. Les bennes doivent offrir une ouverture supérieure large, sans obstacle, et résister aux chutes répétées des raisins et jus.
• Bennes fermées ou couvercles étanches : Ils limitent la perte de jus, l’oxydation et la contamination par corps étrangers lors du transport sur route.
• Matériaux robustes et inertie chimique : L’inox est vivement recommandé, parfois doublé de systèmes internes anti-adhérence pour faciliter le vidage intégral et éviter la rétention de débris.
• Système d’évacuation des jus efficace : Certains modèles comportent des compartiments séparés pour la fraction solide et le moût, avec vanne anti-retour, parfois jusque deux sorties distinctes pour optimiser le déchargement à la réception.

Intégration de l'automatisation et du nettoyage

• Jetable par fond mouvant : Les bennes à fond mouvant, encore rares en viticulture, simplifient le déchargement rapide et limitent le tassement du raisin (expérience terrains du Beaujolais, IFV Sud-Ouest 2022).
• Système de lavage intégré : Pour les grandes exploitations, certains modèles prévoient des rampes de nettoyage à haute pression intégrées afin de gagner du temps et d’améliorer l’hygiène, lors de passages multi-parcelles.

Éléments de choix pratiques pour les exploitations mixtes ou à forte diversité de parcelles

Les réalités du terrain exigent souvent de jongler entre vendange manuelle et mécanique, notamment sur les exploitations diversifiées ou en transition. Plusieurs critères permettent de faire un choix pertinent.

• Polyalence : Des bennes à double usage, combinant ouverture supérieure dégagée et système étanche, sont désormais proposées par certains fabricants (ex : Chevance, Gourdon). Elles adaptent leur configuration au besoin du jour, couvrant jusqu’à 80% des cas de figure sur une exploitation flexible.
• Accessoires modulaires : Les rehausses démontables, systèmes de bâchage rapide ou grilles anti-émiettement de feuillage permettent de basculer rapidement d’un usage manuel à mécanique.
• Options de freinage et de sécurité : Obligatoires au-delà d’un certain tonnage (1,5 tonnes de PTAC en France), les systèmes hydrauliques ou à inertie sont à anticiper, surtout en relief accidenté ou sur routes fréquentées pendant la période de vendange.
• Pilotage automatisé : Les exploitations de taille conséquente intègrent parfois des bennes connectées, offrant le suivi GPS du parc matériel, la pesée embarquée ou la traçabilité des lots de vendange (voir projet VitiSmart, AgriSudOuest Innovation 2023).

Résistance, sécurité et réglementation : points à ne jamais négliger

• Certification contact alimentaire : Privilégier les bennes validées selon le règlement CE 1935/2004 pour éviter tout risque de migration de composants vers le raisin et le moût.
• Signalisation et éclairage : Les bennes circulant sur route doivent être équipées de feux, catadioptres latéraux et panneaux rétro-réfléchissants conformes au code de la route (Ministère de l’Agriculture - Guide du Transport Agricole).
• Formation des conducteurs : Sur les engins de plus de 3,5T, la formation CACES agricole est recommandée pour garantir la sécurité des opérateurs, en manœuvre de benne surtout aux abords de la cuverie où le risque est élevé.
• Entretien : La disponibilité rapide de pièces détachées (joints, vannes, ridelles) doit être vérifiée ; sinon, tout incident en pleine vendange peut entraîner des retards critiques.

Innovations et tendances récentes du marché

• Bennes basculantes connectées : Permettant une automatisation du suivi de chargement, du pesage et du déchargement – des prototypes sont testés dans le Bordelais et en Champagne.
• Matériaux composites renforcés : Recherche de légèreté sans compromis sur la robustesse, réduction de la consommation de carburant des tracteurs sur piste lourde.
• Subdivisions internes amovibles : Pour différencier les lots de cépages à l’intérieur d’une même benne, innovation apparue en Alsace sur le segment des parcelles en forte pente.

Le choix d’une benne viticole n’est pas anodin : il conditionne la qualité de la vendange, le confort des équipes et la rapidité globale de la logistique de récolte. En pesant vos options selon votre mode de récolte, votre topographie, vos exigences d’hygiène et de sécurité, vous investissez pour la durabilité du matériel… mais aussi pour l’excellence du vin qui en dépend.